Depuis que j’ai décidé d’écrire le fond de ma pensée, je me rends bien compte que je ne pars pas pour me faire des amis. Et aujourd’hui, c’est le coeur en bataille, que j’ai décidé de vous parler de la ville de Genève. Loin de moi l’idée de vouloir alimenter les petites querelles régionales, cantonales ou même nationales. Mais j’y étais en concert la semaine passée et j’ai réalisé quelque chose.
Je connais des genevois que j’aime bien. Certains sont même des amis de longue date. J’espère donc qu’ils ne me tiendront pas rigueur de cet article. Mais à eux, comme à vous, je suis obligé de l’avouer.
Je déteste la ville de Genève.
Et je suis ce qu’on appelle un mec positif, j’aime bien voir le bon côté des choses. Je trouve toujours une raison d’apprécier ce que la vie met sur mon chemin. Mais pour Genève, rien à faire. Je n’en trouve aucune. Il y a comme une espèce d’aura de frustration permanente qui contamine quiconque met les pieds dans cette ville, voir même s’en approche. Ne serait-ce que pour un soir.
Je n’aime pas Genève. Je n’aime pas ses quartiers condensés. Je n’aime pas ses chauffeurs impatients, ou ses piétons renfrognés, ou ses cyclistes arrogants. Je n’aime pas ses énormes bâtiments diplomatiques, qui ont l’air d’être vides en permanence. Je n’aime pas ses rues en dédales labyrinthiques. Je n’aime pas ses carrés de verdures emprisonnés dans des cours de quartiers opaques. Je n’aime pas ses longues avenues commerciales qui ressemblent à des temples de la consommation à ciel ouvert affamés d’adeptes (oui Rive, je pense à toi).
Même la route pour s’y rendre me déplaît au plus haut point. Le trajet n’est laborieux qu’à proximité de la ville, quand les voitures s’amoncellent sur l’autoroute. De Neuchâtel à Genève, il n’y a qu’à la sortie vers l’aéroport que je commence à transpirer. Les voilà, ces énormes colosses de verres et de béton qui annoncent l’entrée imminente dans la ville la plus oppressante et infernale de Suisse romande. Les taxis genevois me font l’effet de Charons dans leurs barques jaunes que vous payez (cher, comme tout dans cette ville) pour vous mener au Tartare. Et que les scrupules n’empêcheraient pas de vous jeter dans le Styx.
Genève est la seule ville qui, un jour, a fait planter mon GPS. Le contournement de Lausanne aux heures de pointes m’a donné moins de sueurs froides que l’approche de cette ville. Je n’ai pas connu Calvin, mais sa cité me rebute, et parfois même m’angoisse. Peut-être aurait-il mieux valu ne pas la réformer, cette ville-là.
Je n’aime pas son snobisme, ses prétentions et son impatience. Ses airs de grandeur artificielle, dont on dirait qu’elle veut ressembler à New York.
Genève est une ville qui manque de silence. De pause. De respiration.
Et d’espace. Une ville superficielle qui m’empêche de réfléchir et dans laquelle je suffoque, comme si mon cerveau avait une sévère crise d’asthme. Et parfois, au milieu du trafic insensé ou quand je debarque à Cornavin gare, ce n’est pas que mon cerveau qui suffoque. Genève a de quoi rendre agoraphobique.
Par obligation, j’y ai passé 4 ans de formation, et sans doute les pires années de ma vie. On aurait pu croire que je m’y serais habitué en 4 ans, mais non. Et le concert de vendredi passé me l’a prouvé.
Je ne supporte pas la ville de Genève, et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Tout y est dense et compressé. Le temps, comme l’espace, comme les gens. Genève est un tube de comprimés effervescents. Tout bouillonne. Tout y est boosté, dopé, accéléré, une ville non-stop sous perfusion de cocaïne. Une ville en mouvement permanent, qui ne s’arrête jamais et ce n’est pas un argument positif. C’est peut-être bon pour les affaires de quelques riches encravatés, mais ce n’est pas sain.
Genève incarne, en fait, tout ce que je cherche à éviter. Les gens qui me stressent sont Genève. Les impatients sont Genève. Les gens qui me forcent la main sont Genève. Les orgueilleux qui sont persuadés de détenir la vérité sont Genève. Quand je m’énerve contre moi-même, je suis Genève. Cette ville incarne à merveille ce que j’essaie de comprendre et de corriger en moi par la méditation. Mon côté sombre.
Et si je dois m’y rendre, je m’y prépare au maximum. Mentalement et physiquement. Parce que je sais que ce qui m’y attend, c’est un énorme trou noir, un aspirateur de bonne humeur dont la puissance ferait passer Dyson pour un vendeur de balais. Mais parfois, la préparation ne suffit pas. Parce que c’est comme ça, à Genève. Un individu seul ne peut pas lutter contre le champ de gravité stellaire du train de vie effréné de toute une ville.
Au final, me rendre dans une ville comme Genève est une bonne chose pour me rappeler pourquoi je me suis mis à la méditation. C’est une mise à l’épreuve personnelle, et c’est peut-être le seul point positif que je lui trouve. Ce qui ne veut pas dire que je suis obligé de taire mon avis.
Sinon, le concert en lui-même s’est très bien passé. Heureusement qu’il y a la scène.